"Oh my Buddha!"

Un des anciens devant les offrandes
Un des anciens devant les offrandes

S’en sont suivi quatre jours de décadence, immergée dans la culture lao, immergée dans la culture bouddhiste et complètement dépaysée malgré oh déjà 5 mois en Asie…

 

Samedi nous avons entamé les réjouissances. Réveil matinal. Préoccupations vestimentaires, car si la Thaïlande est encore un peu traditionnelle à la campagne, c’est tout autre chose par ici. Les jupes traditionnelles sont arborées fièrement tous les jours, et malgré quelques Blue jeans, c’est bel et bien cette tenue qui triomphe lors des évènements officiels et religieux, même pour l’uniforme à l’école. C’est donc avec une certaine classe et gène que je porte moi aussi une jupe longue, vert émeraude, gentiment prêtée par une des bénévoles du projet. Une fois les problèmes de tenue réglés, je décide de prendre tout de même un petit déjeuner. Je rejoindrais les autres plus tard…

Rassasiée, je me dirige vers le village, seule. Et reçoit plusieurs compliments sur ma tenue. Je suis ravie. Je pars à la recherche de mes amis sans les trouver mais découvre les rues du village, ou du moins la rue principale, pleine d’animation. Des enfants avec des jouets en plastique, un carrousel qui tourne à la force des bras de son propriétaire, des jeux de foire où il faut péter les ballons, et comme prix, des petites poupées de chiffon et des boissons. Et les familles qui défilent vers le temple pour apporter leurs offrandes. Je me sens déplacée. Je le suis sûrement. Je ne trouve pas mes amis. Et malgré l’ambiance chaleureuse et pas du tout hostile je décide de rentrer pour mettre fin à mon malaise, moi en jupe et les enfants qui me regardent. Mais mes gentils amis ne m’ont pas oubliés, et à peine de retour au projet, on vient me chercher en scooter. S’en suit une chevauchée en amazone, jupe longue oblige. Et là encore, dépaysement quand je rejoins notre petite troupe, assise dans la pièce principale de la maison de la famille d’un des laotien qui travaille à Sae Lao. Plein d’assiettes, de salade, de sang coagulé, de radis blancs et sucrés, de viande, de lab, plat traditionnel, plein de monde, les anciens qui essayent de parler français, se remémorant leur vieux souvenirs d’école et la bière qui tourne, toujours. Je suis bien accueillie et bientôt je reçois moi aussi mon verre, allé, il n’est que 9h30. Certain sont là depuis plus d’une heure, à boire, à manger. Puis une agitation anime l’assemblée, il est temps d’aller au temple. C’est donc tous ensemble que nous portons à notre tour des tas d’offrandes et de choses dorées pour remercier Bouddha pour les récoltes. Cela dure en tout et pour tout : 5 minutes. Après quelques photos souvenir pour les anciens près du temple qui n’ont pas bien souvent l’occasion de voir des falang (littéralement « français », mais c’est aussi le mot utilisé pour dire « étranger ») parés de la sorte, nous sommes un peu l’attraction, on rentre. Et puis on ne traine pas, on nous fait bien comprendre que l’important avant tout, c’est de rentrer à la maison pour continuer les festivités. Nous nous faisons invité pas différentes familles, et à chaque fois : alcool de riz « lao lao » et bière «beer lao » sont bus dans la tradition « lao style ». Convivial, mais quelque peu rude pour un samedi matin. Enfin, pour un matin tout court. Il est difficile de refuser les verres sans offenser, et ce n’est qu’après un nombre pair de coup que l’on peut éventuellement se permettre de passer son tour. Et oui, « car tu as bien deux jambes ! » (« Et puis deux yeux, deux oreilles, deux bras, etc. »). Autant vous avouer que début d’après-midi, tout le monde est rougi et rigolo. Je rentre vers les 15h après avoir perdu quelques-uns de mes camarades au champ de bataille, marchant droit et raccompagnant deux copines. Petite sieste. Et c’est reparti. Le soir, près du temple, c’est tout le monde qui se réuni, pour boire et danser. Nous faisons tache, ou vivants à côté de ces gens qui dansent en rond, sans bouger, très solennellement. Mais ils dansent avec nous, ils rigolent, et peut être bien qu’ils se moquent un peu. Mais au final tout le monde s’amuse. Cependant, après deux « morceaux », mes oreilles n’en peuvent plus. Trop fort. Trop répétitif. Trop fatiguée. Une partie d’entre nous rentre…

Ce n’est que lundi que reprennent les festivités (vous imaginez bien que dimanche le village, mort, hibernait après tant d’agitations). Toute la famille, toute, proche, éloignée, toute, débarque.  Les vieilles dans un coin à préparer les décorations en feuille de bananier, les jeunes à la cuisine, les hommes au feu, à l’installation ou à la pêche. Toute une journée à préparer. Les enfants qui courent partout, les femmes qui rigolent et les hommes qui fument. Toute une journée à manger. Mais pas d’alcool. Je m’enfuie un peu car tout cela est oppressant. Des gens partout. Et une langue qu’on ne comprend pas. Les plus âgés peuvent parfois parler français. Les plus jeunes peuvent parfois parler l’anglais. Tout cela sur un fond de musique lao, forte et dissonante. Trop de monde. Trop de bruit. Je m’en vais m’exiler un peu toute seule, pour travailler, lire, écrire. Et finalement dormir. Le mardi matin, tout est bien agité dès 6H30. Réveillée au son du mixer je me dis que quelque chose de plus grand se prépare. « Cette fois on y coupera pas, les bières sont au frigo ». Les moines doivent arriver dans la matinée pour bénir la famille et remercier les esprits. Comme on ne sait pas si l’esprit de la famille est masculin ou féminin, il faut préparer plus d’offrandes, pour satisfaire les deux. Encore de la cuisine. Et les moines qui se font attendre. On a faim nous aussi, de voir passer toute cette nourriture, et puis ça fait déjà plus d’une heure que je suis levée, et sans petit déjeuner vu l’occupation intensive de la cuisine. Mais ils finissent par arriver. Prière des anciens, des moines, les mains jointes et en silence. Ou presque. Ou pas du tout. C’est assez rigolo, les moines prient mais tout le monde parle, on gronde les enfants, on répond au téléphone, on papote on papote. C’est formel sans l’être, et sérieux pareil. Mais il faut faire attention à bien s’assoir, garder ses pieds sous ses fesses, ne pas regarder les moines dans les yeux, ne pas passer entre deux personnes, et attendre. La prière finie, le plus âgé des moines, sur un ton guilleret s’écrie, selon ma propre interprétation peut être erronée : « bon ça y est, fini tout ça, qu’on mange maintenant ! », tout le monde rigole. Et les moines sont servis. Bon, nous on les regarde manger, l’estomac gargouillant et les jambes endolories. Et puis on mange quand même, au bout d’un moment, après que les moines aient jeté des bonbons bénies ou non, à toute l’audience. Soupe de nouille pour le petit déjeuner, et poisson, et gâteau aux carottes, sticky rice et au surprise ! Les premières bouteilles se débouchonnent ! Pas pour moi, je fuie un peu, j’esquive et habilement j’arrive à éviter la boisson sans offenser personne.  Vient ensuite la meilleure partie, la cérémonie des bracelets. Une autre prière des anciens où l’on doit toucher la personne devant soi avec la main droite et garder la gauche dressée comme une prière à une main. Puis, tout le monde attrape une poignée de bracelets blancs et les noues autour des poignets de ses voisins en leur souhaitant bonheur, santé et autres bénédictions. Ce sont les anciens qui en distribuent le plus, le visage ridé et sérieux, ils récitent à tous leurs prières et un à un les bracelets s’accumulent autour de mon bras. Et les vieux qui boivent de la bière. N’ayant pu récupérer que deux bracelets j’en donne un à Young-Hee, une coréenne qui est là depuis quelques jours, qui doit avoisiner les soixante-dix ans et qui semble avoir atteint cette sérénité que seule les orientaux arrivent à trouver. Je m’entends bien avec elle, nous avons passé une journée toute les deux la semaine dernière à se balader et discuter… Je lui souhaite la santé, un beau jardin, et du bonheur, le plus important. Elle comprend un peu le français et me remercie. A côté d’elle la plus fripée et plus belles des vieilles femmes de la famille, je lui noue mon second bracelet. Elle sourit et me prend dans ses bras. Beaucoup d’émotions ce jour-là. Dernière chose à faire, amener toutes les offrandes, l’espèce de lit doré décoré de billets de banque (même des dollars !)  et les décorations en feuilles au temple. En chemin les femmes chantent au rythme du gong et du tambour, ça rigole et les vieux, dans le camion avec le lit doré…boivent. Cette fois-ci personne n’y coupe, les verres tournent et le temps d’arriver au temple, les papis sont bien joyeux et les femmes courent vers l’énorme tambour de cérémonie pour tambouriner à cœur joie et jouer des cymbales. C’est la fête et tout le monde est invité. Quelques tours de temple plus tard, on dépose le tout à l’intérieur et tout le monde rentre à la maison…Pour manger, pour boire...

C’est donc pleine de bénédiction et la tête légère que je m’en vais marcher vers Vang Vieng dans l’après-midi, pour échapper au Lao Style et à l’alcool de riz.

 

 

7km à pieds devraient me laisser le temps de repenser à ces journées pour pouvoir les écrire dans la soirée…

 

 

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Commentaires: 8
  • #1

    julie (mercredi, 15 janvier 2014 09:47)

    Salut lisa, dur dur le matin de commencer avec de l'alcool de riz mais je pense que ça devait être assez impressionnant de voir tout ceci.

    PS: moi je veux une photo de toi en jupe :-).

    Bisous bisous.

  • #2

    Milou (mercredi, 15 janvier 2014 10:53)

    Il est magnifiquement bien raconté ton article! On s'y croirait complètement ! Quand est ce qu'on se skype??

  • #3

    MarieHélène et bernard (jeudi, 16 janvier 2014 20:30)

    comme toujours, on attend avec impatience la suite de tes récits, en les lisant nous partageons un peu ton périple. Merci et à bientôt

  • #4

    JF (lundi, 20 janvier 2014 19:07)

    Salut ma fille,
    je vois que tu deviens une vraie experte en agri Lao culture et autre éthyle-Oh-culture, essaye de pas finir avec une cirrhose du foie quand même. ,-)
    J’aime beaucoup ton article, les descriptions sont parlantes et moi aussi j’aimerais bien te voir en jupe de cérémonie bouddhiste, en voilà une occasion pour change ta photo Facebook…
    Gros bisou et roule pas bourrée,
    Papa

  • #5

    Hélène (lundi, 20 janvier 2014 23:59)

    Très bel article cousine. Très parlant, on a presque les images devant les yeux en te lisant..
    Je veux bien te voir en tenue traditionnel au passage..
    Pouah.. j'en ai eu les larmes aux yeux, j'ai réaliser à quel point tu me manque cousine.
    Prend soin de toi.
    Gros bisous

  • #6

    agroecologieaudetourdumekong (jeudi, 23 janvier 2014 09:09)

    Allé pour une fois je vous répond =) Parce que je suis navrée de tous vous décevoir mais étant la photographe je n'ai pas de photo de moi en jupe traditionnelle... Mais je vous ferai un dessin =) si j'y arrive... Je suis contente que cet article vous plaise parce que pour moi c'était important de partager cette expérience incroyable ! =) Alors merci et bravo d'avoir lu! Et la bise à tout le monde!

  • #7

    M. Christine (mercredi, 05 février 2014 20:21)

    Coucou Lisa,

    A quand de tes prochaines nouvelles ? Sommes heureux de savoir comment se passe ton expérience asiatique que je te remercie de nous faire partager. Mais rien depuis le 15 janvier, tu exagères un peu. Je plaisante, nous pensons bien à toi et te faisons de grosses bises.
    Enjoy your life as says Eléa !

  • #8

    Castord (jeudi, 06 février 2014 15:29)

    Et quand le Lisa style rencontre le Lao style... ça donne de très belles histoires ! :)

Qui suis-je?

Lisa, simplement partie vivre une aventure agroecologique en Asie.

Liens!

Le super site d'une amie

nicaragrooo!!!!

 

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Panya Project

 

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